À Augustine Brohan
Thalie, amante des grands cœurs,
Voix éloquente et vengeresse,
J’ai bu les amères liqueurs :
Prends mes chansons, bonne Déesse.
Berce-les au bruit des grelots !
Muse au beau front, nymphe homérique,
De ta lèvre coule à grands flots
Notre inspiration lyrique.
Ton rire, comme un clair soleil,
Épanouit les gaîtés franches,
Pourpre vive, rosier vermeil,
Éblouissement de dents blanches !
Que de fois, chancelant encor
Sous le mal dont je suis la proie,
Tes accents de cristal et d’or
M’ont rendu la force et la joie !
Oh ! que de fois j’ai mendié
L’enthousiasme et l’ironie
Sur le théâtre incendié
Par les éclairs de ton génie !
C’est pourquoi, ne dédaigne pas
Le pur diamant de mes rimes,
Nymphe, dont j’ai baisé les pas
Sur la neige des grandes cimes.
Car sur ton front céleste a lui
L’ardent rayon qui me déchire,
Et nous nous aimons en Celui
Qui nous a légué son martyre.
O spectacle trois fois divin
De voir une telle écolière
Tremper sa bouche dans le vin
Dont s’enivra le grand Molière !
Toi qui le charmes au tombeau,
Thalie, Augustine, âme élue
Pour ce délire encor si beau,
L’Ode est ta sœur, et te salue.
Septembre 1858.