À mon Père
O mon père, soldat obscur, âme angélique !
Juste qui vois le mal d’un oeil mélancolique,
Sois béni ! je te dois ma haine et mon mépris
Pour tous les vils trésors dont le monde est épris.
Oh ! tandis que je vais fouillant l’ombre éternelle,
Si la Muse une fois me touchait de son aile !
Si ses mains avaient pris plaisir à marier
Sur mon front orgueilleux la rose et le laurier
Par lesquels le poëte est souvent plus qu’un homme,
Comme je tomberais à tes genoux ! et comme
Je ne serais jaloux de personne et de rien,
Si tu disais : Mon fils, je suis content, c’est bien.
Car ce cœur fier que rien de bas ne peut séduire,
O père, est bien à toi, qui toujours as fait luire
Devant moi, comme un triple et merveilleux flambeau,
L’ardeur du bien, l’espoir du vrai, l’amour du beau !
Février 1846.