À un riche
Ma foi, vous avez bien raison,
Vous pour qui tout est floraison
Et violettes
Parfumant les pieds de vos lys,
De ne pas célébrer Phyllis
En odelettes.
Vous qui pouvez chaque matin,
Bercé par le flot de satin
Qui vous arrose,
Voir dans l’or de votre salon
Tomber les flèches d’Apollon,
Parlez en prose !
Mais pour nous qui, jusqu’à présent,
Soupons sous la treille en causant
Avec la lune,
(Et c’est notre meilleur repas !)
Ami, ne nous enlevez pas
Notre fortune.
Dans les fleurs, près de frais bassins,
Nous nous couchons sur des coussins
Très prosaïques,
La pourpre au dos, vous le savez !
Et dans des bains de stuc pavés
De mosaïques.
Le col paré de nos présents,
De belles filles de seize ans
Nous versent même
Avec le charme oriental,
Le vin du Rhin dans ton cristal,
Sainte Bohême !
O nuit d’étoiles sous les cieux !
Jardins, nectar délicieux,
Voûte sublime !
Nous les possédons en effet,
Mais, hélas ! ce beau monde est fait
Avec la rime.
Sans elle et ses prismes fleuris,
Pour pouvoir chercher hors Paris
L’eau murmurante
Qui court dans les gazons naissants,
Il nous faudrait bien quatre cents
Écus de rente !
Ou, je frissonne d’y penser !
Nous n’oserions pas nous passer
La fantaisie
De perdre un quart d’heure aux genoux
De Cidalise. Ah ! laissez-nous
La poésie !
Mai 1855.