Au Pierrot de Willette

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Cher Pierrot, qui d’un clin d’oeil

Me montre tout ce qui m’aime,

J’aime ta joie, et ton deuil

Même!
Je t’aime, de froid transi

Et terrassé par le jeûne,

Et tremblant d’amour, et si

Jeune!
J’aime ton regard de feu,

Ta bravoure et ton coeur mâle,

Bien que tu sembles un peu

Pâle.
Car sous le céleste dais

Tu vas, bon pour toutes choses,

Ayant même pitié des

Roses.
Charmé par le falbala,

Tu t’en vas, l’âme ravie,

Toujours déchiré par la

Vie.
Avec son rire moqueur

Elle te berce et t’enseigne

Les vérités et ton coeur

Saigne.
Ah! comme il brille, éperdu,

Le vin rose et peu sévère,

Dans la transparence du

Verre!
Ah! que l’Amour, tu le sais,

Près des belles demoiselles,

Nous caresse bien de ses

Ailes!
Silencieux marmouset,

Les fillettes vagabondes,

Tu les aimes, brunes et

Blondes.
Et quand elles prennent soin

De se montrer pour toi douces,

Tu les aimes, au besoin,

Rousses.
Parmi les cieux musicaux

Fuyant parfois nos désastres,

Fou, tu t’envoles jusqu’aux

Astres.
Lorsque devant toi passa

Le doux Zéphyr qui l’emporte,

Quel Éden a fermé sa

Porte?
Va, tu peux le dire, aucun.

Par malheur, lorsqu’il s’achève,

On le voit, ce n’était qu’un

Rêve.
Et beau festin de gala,

Rire, clarté, fleur, étoile,

S’éteignent, quand tombe la

Toile!
1884.

Théodore de Banville

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