Ballade en faveur de la Poésie dédaignée
Toi qui tins la lyre et le glaive,
Et qui marchais, rouge d’éclairs,
Dans l’action et dans le rêve,
O rude forgeron des vers
Qui faisaient tressaillir les mers,
Ame de héros courroucée
Qui t’exhalais en hymnes fiers,
Où dors-tu, grande ombre d’Alcée?
Viens parmi nous! combats sans trêve.
Il en faut de ces cris amers
Que tu répandais sur la grève.
La Muse, ivre des maux soufferts,
S’en va cacher dans les déserts
Sa lyre pour jamais blessée.
Toi que ravirent ses concerts,
Où dors-tu, grande ombre d’Alcée?
Ton laurier perd sa mâle sève,
O maître, par ses flancs ouverts.
Reviens, comme un dieu qui se lève
Pour guérir ceux qui te sont chers,
Abriter sous tes rameaux verts
Le martyre de la Pensée
Que déchirent ces noirs hivers.
Où dors-tu, grande ombre d’Alcée?
Envoi.
Que ton courroux brûle mes chairs!
Donne-moi ta haine amassée
Sur la terre et dans les enfers.
Où dors-tu, grande ombre d’Alcée?
Décembre 1861.