Ballade pour trois soeurs qui sont ses amies
Ce sont trois soeurs, trois blondes, mais Lucy
Est un peu fauve, et Lise est un peu rousse.
Jeanne au beau front par le doute obscurci
Est la plus fière, et Lucy la plus douce.
Dans le jardin, sur un tapis de mousse,
Nous devisons comme des écoliers;
Ce sont parfois des contes par milliers,
Puis je sertis de folles rimes, voire
Des madrigaux pour leurs petits souliers,
Et Marinette est là qui verse à boire.
Lucy me fait songer et Jeanne aussi;
Et qu’un rayon de lumière éclabousse
Le front vermeil de Lise, me voici
Charmé: l’Amour, ayant vidé sa trousse,
Trouve à souhait des traits que rien n’émousse
Dans ses grands yeux pensifs et singuliers.
Lucy soupire et me dit: Vous parliez,
Parlez encor; trouvez-nous quelque histoire.
Le soleil rit sur les blancs escaliers,
Et Marinette est là qui verse à boire.
Lise est ma joie et mon plus cher souci,
Lucy m’attire et Jeanne me repousse,
Mais je l’adore, et j’ai le coeur transi
Dès qu’elle pleure et qu’elle se courrouce
Pour un baiser sur l’ongle de son pouce.
Puis, en jouant avec ses lourds colliers,
Je dis à Lise: Enfant, si vous vouliez!
Elle répond: Ami, songe à la gloire.
Lucy me cueille un fruit des espaliers,
Et Marinette est là qui verse à boire.
Envoi.
Prince, une fois il faut que vous alliez
Dans ce jardin pour voir humiliés
L’or, le saphir, les diamants, l’ivoire,
Tous les rubis de vos fins joailliers,
Et Marinette est là qui verse à boire.
Avril 1861.