Chanson sur l’air des Landriry

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Voici l’automne revenu,

Nos anges, sur un air connu,

Landrirette,

Arrivent toutes à Paris,

Landriry.
Ces dames, au retour des champs,

Auront les yeux clairs et méchants,

Landrirette,

Le sein rose et le teint fleuri,

Landriry.
Mais celles qui n’ont pas quitté

La capitale pour l’été,

Landrirette,

Ont l’air bien triste et bien marri,

Landriry.
Nos Aspasie et nos Sontag

Se promènent au Ranelagh,

Landrirette,

Tristes comme un bonnet de nuit,

Landriry.
Elles ont vu fort tristement

La clôture du parlement,

Landrirette,

Leurs roses tournent en soucis,

Landriry.
Il est temps que plus d’un banquier

Quitte le Havre ou Villequier,

Landrirette,

Car notre Pactole est tari,

Landriry.
Frison, Naïs et Brancador

Ont engagé leurs colliers d’or,

Landrirette,

Et Souris n’a plus de mari,

Landriry.
Mais voici le temps des moineaux ;

Les vacances des tribunaux,

Landrirette,

Vont ramener l’argent ici,

Landriry.
Car déjà, sur le boulevard,

On voit des habits de Stuttgard,

Landrirette,

Et des vestes de Clamecy,

Landriry.
Tout cela vient avec l’espoir

D’aller à Mabille et de voir,

Landrirette,

Page et Mademoiselle Ozy,

Landriry.
Le matin, avec bonne foi,

Ils tombent au café de Foy,

Landrirette,

Pour lire Le Charivari,

Landriry.
Puis ils s’en vont, à leur grand dam,

Acquérir sur la foi de Cham,

Landrirette,

Des jaquettes gris de souris,

Landriry.
Un Moulinois de mes cousins

Contemple tous les magasins,

Landrirette,

Avec un sourire ébahi,

Landriry.
Et déjà ce nouvel Hassan

Guigne un cachemire au Persan,

Landrirette,

C’est pour charmer quelque péri,

Landriry.
Il ira ce soir à Feydeau.

Avant le lever du rideau,

Landrirette,

Il s’écriera : « C’est du Grétry,

Landriry ! »
Courage, Amours, souvent frôlés !

Demain, les bijoux contrôlés,

Landrirette,

Se placeront à juste prix,

Landriry.
Bon appétit, jeunes beautés,

Qu’adorent les prêtres bottés,

Landrirette,

De Cypris et de Brididi,

Landriry.
Vous allez guérir derechef

Par l’or et le papier Joseph,

Landrirette,

Vos roses et vos lys flétris,

Landriry.
Si vous savez d’un air vainqueur

Mettre sur votre bouche en cœur,

Landrirette,

Les jeux, les ris et les souris,

Landriry.
Si vous savez, à chaque pas,

Murmurer : « Je ne polke pas, »

Landrirette,

Vous allez gagner vos paris,

Landriry.
Vous allez avoir des pompons,

Des fleurettes et des jupons,

Landrirette,

Comme en portait la Dubarry,

Landriry.
Vous aurez, comme en un sérail,

Plus de perles et de corail,

Landrirette,

Qu’un marchand de Pondichéry,

Landriry.
Plus d’étoiles en diamant

Qu’il ne s’en trouve au firmament,

Landrirette,

Ou dans un roman de Méry,

Landriry.
Et cet hiver à l’Opéra,

Où quelque Amadis vous paiera,

Landrirette,

Vous poserez pour Gavarni,

Landriry.

Septembre 1846.

Théodore de Banville

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