Conseils à un Écolier
Charles-Quint, dans un fier poëme,
Louait comme excellent collier
Les deux bras de celle qu’on aime;
Il avait raison, Écolier.
Puisque Avril a chassé les neiges,
Parlons d’amour, tandis qu’au bal
Ce printemps mène ses cortèges,
Car rien n’est plus original.
Au Luxembourg, qu’ils réjouissent,
Les oiselets pour matelas
Prennent les arbres qui fleurissent,
Les marronniers et les lilas;
Et nos âmes se sont ouvertes
A l’heure où brillent, voyez-les,
Au beau milieu des feuilles vertes,
Les jolis thyrses violets.
Heureux celui qui, sans paresse,
L’oeil clair et les cheveux flottants,
Dit ces mots si doux: Ma maîtresse,
Avec des lèvres de vingt ans!
Ces jours-ci, (je suis à cent lieues
De prétendre qu’il fait trop chaud,)
Comme un sein ferme aux veines bleues
Sort galamment de son cachot!
Et, quoi que rabâche la Prose
En sa juste sévérité,
Ces lys blancs, ce bouton de rose
Sont l’éternelle vérité.
Écolier, si je te devine,
Si cet Avril rit dans ton sang,
Admire une jambe divine
Quand s’écarte le peignoir blanc;
Dis lanlaire à l’Académie,
Où sommeille un art ingénu;
Demeure aux genoux de ta mie,
Et baise longtemps son pied nu.
Bois aussi: le Vin est féerique!
Ronsard, le grand aïeul divin,
S’écriait d’un beau ton lyrique:
En ces roses versons ce vin.
Quand le ciel, de façon narquoise,
Pour échauffer l’homme transi,
Brillait en habit de turquoise,
Comme il a fait tous ces jours-ci,
Le rimeur, oubliant Pergame,
Buvait le meilleur du cellier
En rimant des vers pour sa dame:
Il avait raison, Écolier.
Avril 1864.