Déja vus

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
0 vues
0.0

Céline, avec ses cheveux roux

Dont la fauve splendeur nous flatte,

Darde ses yeux pleins de courroux,

Pareille à la bête écarlate.
Magnifique dans le printemps

Comme une grande fleur qui bouge,

Elle charme les airs flottants,

En portant son ombrelle rouge.
Albert, l’enragé promeneur,

Qui rappelle, en chantant sa gamme,

Le prince Hamlet, dans Elseneur,

La rencontre et lui dit: Madame,
Il faut employer les moments

Sans penser aux futurs désastres.

Voulez-vous de clairs diamants

Pareils à des cassures d’astres?
Entrons là, chez le joaillier;

Je veux être certain qu’on m’aime.

Acceptez un riche collier.

Céline répond: Tout de même.
Oui, dit Albert, nous penserons

A des rivières sans pareilles

Et, pendant que nous y serons,

Nous prendrons des pendants d’oreilles.
Mais on va parfois à Choisy!

Êum;tes-vous de celles qu’allèche

Un équipage bien choisi?

Bon. Je vous offre une calèche.
Je prétends vous la décocher,

Svelte et volant comme la foudre,

Avec chevaux, groom et cocher

Obèse, rouge sous la poudre.
Voulez-vous, madame, un hôtel

Tout en briques, dans l’avenue

De Villiers?  Ce sera l’autel

Où rira Vénus toute nue.
Et ce n’est pas tout, les poneys!

Il faut que le soleil arrose

Chez vous, des tableaux japonais

Où flambe le ciel rouge et rose.
Céline, qu’afflige une toux

Sèche, répond: C’est une affaire.

Cher monsieur, j’accepterai tous

Les dons que vous voulez me faire.
Et vous ne perdrez pas au troc!

Jeune homme, pâle comme Oreste,

C’est bien. Je prendrai tout en bloc,

Chevaux, diamants et le reste.
Mais, avec les riches appas

Qui sont mon armure de guerre,

Vous ne me reconnaissez pas?

Vous m’avez vue enfant naguère.
Vous me courtisiez déjà, car

Jamais vous ne vous en privâtes,

Quand mes pieds nus s’évadaient, par

Les trous béants de mes savates.
J’avais l’air d’un jeune filou;

Ma peau brune vous semblait douce.

Je peignais avec un vieux clou

Ma folle chevelure rousse.
Et vous, faisant tous les métiers

Pour un gain souvent illusoire,

Couchant sous les ponts, vous étiez

Un petit voyou dérisoire.
10 juin 1890.

Théodore de Banville

Qu’en pensez-vous ?

Partagez votre ressenti pour Théodore de Banville

Noter cette création
1 Étoile2 Étoiles3 Étoiles4 Étoiles5 Étoiles Aucune note
Commenter

Écrivez comme un Verlaine, commentez comme un Hugo, et vous serez un pilier de notre communauté poétique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Découvrez d'autres poèmes de Théodore de Banville

Aucun poème populaire trouvé ces 7 derniers jours.

Nouveau sur LaPoesie.org ?

Première fois sur LaPoesie.org ?


Rejoignez le plus grand groupe d’écriture de poésie en ligne, améliorez votre art, créez une base de fans et découvrez la meilleure poésie de notre génération.