Le Froid

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Dans le ciel noir, plein d’échancrures,

Il volait tristement, vêtu

D’un gros paletot de fourrures,

Et je lui dis: Qui donc es-tu?
Affublé d’un passe-montagne,

On ne lui voyait que les yeux.

Oh! que le bonheur t’accompagne,

Lui dis-je, oiseau mystérieux!
Volant toujours à perdre haleine

Dans les cieux tarabiscotés,

Il avait de gros gants de laine

Avec de gros doigts tricotés.
Je dis: Toi que l’ouragan fête,

Voyageur pâle, exempt d’humour,

Comment te nomme-t-on? — Poëte,

Dit-il, moi, le féroce Amour,
Qui connais bien toutes les banques,

Je me fais voir, — ô sort fatal! –

Laid comme, dans Les Saltimbanques,

On voit le nommé Ducantal.
Je suis Amour, dieu de Cythère,

Du moins, je l’ai toujours été.

Mais, rimeur, on ne peut se taire,

Nous avons un bizarre été.
Je sais que je devrais, en somme,

Possédant la blancheur du lys,

Me montrer strictement nu, comme

La main de Rose ou de Philis.
Mon front n’a subi nulle tonte,

Et je ne me sens pas plus vieux

Que naguères, dans Amathonte;

Mais le temps est trop pluvieux.
Je ris, je pleure, je sanglote;

Ce qui ravit les coeurs, je l’ai;

Mais pour le moment, je grelotte

Et j’ai le bout du nez gelé.
11 août 1888.

Théodore de Banville

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