Le Lys

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Étouffons le chagrin cuisant

Et les peines qui nous meurtrissent:

Portons haut nos coeurs, à présent

Que les orgueilleux lys fleurissent!
Coupe sereine, ô chaste lys

Où le regard du soleil entre!

Corps délicieux de Cypris!

Blancheur superbe de son ventre!
Le beau lys, pour son coup d’essai,

Efface le cygne et l’ivoire;

Il est mieux vêtu que d’Orsay

Et que Salomon dans sa gloire.
Il règne, avec ses pistils d’or

Dans sa magnifique structure:

Pourtant, il ne s’est pas encor

Occupé d’une filature.
Splendide en son riche attirail,

Tu le sais, rayon qui le baises,

Il n’exécute aucun travail,

Pas même celui des trapèzes.
Noble épouvantail des méchants

Dont l’âme est toujours mercantile,

Le lys que ravissent les chants,

Ignore la prose inutile.
Pareil au marbre que Scyllis

Taillait d’un ciseau grandiose,

Il se contente d’être lys

Et ne sait pas faire autre chose.
7 juillet 1888.

Théodore de Banville

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