L’Ombre d’Éric

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Si Limayrac devenait fleur,

Il boirait les pleurs de l’Aurore,

Et, penché sur le sein de Flore,

Il renaîtrait à ce doux pleur.

Son faux col serait sa corolle,

Et d’un lys aurait la couleur ;

J’en ferais des bouquets à Rolle,

Si Limayrac devenait fleur.
Si Limayrac devenait fleur,

Ducuing pourrait, à la Chaumière,

L’attacher à sa boutonnière

Et s’en faire une croix d’honneur.

Sur les coteaux et dans les landes,

Voltigeant comme un oiseleur,

Buloz en ferait des guirlandes,

Si Limayrac devenait fleur.
Si Limayrac devenait fleur,

J’en ornerais, près d’une haie,

La houlette d’Arsène Houssaye :

Je l’arracherais sans douleur.

A côté d’une cucurbite,

Il sourirait, en sa pâleur,

A l’éditeur Jules Labitte,

Si Limayrac devenait fleur.
Si Limayrac devenait fleur,

Je le mettrais dedans un vase,

Et quelquefois avec extase

Je l’aplatirais sur mon cœur.
Séduit par son pistil attique,

Peut-être un jeune parfumeur

Nous en ferait de l’huile antique,

Si Limayrac devenait fleur.
Hélas ! Limayrac n’est pas fleur,

Et ne peut de parfums de menthe

Enivrer un corset d’amante

Ni l’habit noir d’un enjôleur.

Quoique sa voix, flûte en démence,

Ait charmé le merle siffleur,

Jetons au feu cette romance,

Hélas ! Limayrac n’est pas fleur !
Novembre 1845.

Théodore de Banville

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