Mourir, dormir

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
0 vues
0.0

Il boite affreusement, ce vieux cheval de fiacre.

Ses yeux tout grands ouverts ont des blancheurs de nacre.

Il voudrait se coucher, dormir; il ne peut pas.

Sur le pavé glissant il bute à chaque pas.

Il ressemble à ces morts qu’on traîne sur des claies;

Ses jambes et ses flancs sont tout couverts de plaies;

Sa bouche molle et noire est gonflée en dedans.

Tragique, il mord le vide avec ses longues dents,

Tandis que le cocher l’injurie et le fouaille

Et chaque fois déchire une nouvelle entaille,

Gros homme rouge, avec des gaîtés de noceur.

En quelque horrible songe il voit l’équarrisseur;

Alors, comme il trébuche, accablé par ce rêve,

Bien vite, à coups de fouet son bourreau le relève.

Allons, hue! Eh! va donc, carcan! va donc, chahut!

Eh! va donc, président! carcasse! Gamahut!

Sur le cheval, en proie aux angoisses dernières,

Le fouet, ivre et féroce, enlève des lanières.

Ce pauvre être perclus, battu, martyrisé

Que tourmente un rayon du soleil irisé,

Cet affamé qui n’a pas eu d’avoine, en somme

N’est qu’une rosse. Il est malheureux comme un homme.
Mercredi, 12 janvier 1887.

Théodore de Banville

Qu’en pensez-vous ?

Partagez votre ressenti pour Théodore de Banville

Noter cette création
1 Étoile2 Étoiles3 Étoiles4 Étoiles5 Étoiles Aucune note
Commenter

Vos mots ont le pouvoir de réveiller l'esprit, tel un élixir de Voltaire. Osez commenter.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Aucun poème populaire trouvé ces 7 derniers jours.

Nouveau sur LaPoesie.org ?

Première fois sur LaPoesie.org ?


Rejoignez le plus grand groupe d’écriture de poésie en ligne, améliorez votre art, créez une base de fans et découvrez la meilleure poésie de notre génération.