Pessimisme

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Psychologues à l’oeil subtil,

Analystes et pessimistes,

Afin d’en extraire un plomb vil,

Tourmentez l’or, ô bons chimistes!
Pour moi, je ne pratiquerai

Jamais votre culte barbare.

Au contraire, j’invoquerai

Les Grâces, comme a fait Pindare.
Et séduisant par mon brio

Les cieux rouges et pleins de roses,

J’interrogerai le trio

De ces déesses grandioses.
Vous êtes vraiment dégoûtés!

Je ne sais dans quelle Sorbonne,

Tristes songeurs, vous écoutez

Une leçon qui n’est pas bonne.
Ah! dans les rayons triomphants,

Petites âmes vagabondes,

Regardez jouer les enfants

Avec leurs chevelures blondes.
Sur cette terre, où vous errez

Comme dans une vile auberge,

Regardez, lorsque vous pleurez,

Le pur sourire d’une vierge!
Prêts à bondir sur le tremplin

Où vous pousse votre folie,

Affirmant que le vin est plein

De lie et de mélancolie,
Vous dites: N’en buvons jamais! –

Je hasarde cette hypothèse:

Le vin est délicieux, mais

Vous avez la bouche mauvaise.
Ne dévisagez pas les cieux

Avec des prunelles hautaines.

C’est toujours la Muse aux beaux yeux

Qui nous parle dans les fontaines.
Les femmes, prétend votre humour,

Ensanglantent leurs bras de nacre,

En aidant le féroce Amour

A vulgariser le massacre.
Vous affirmez que ce boucher

Leur doit ses plus belles recettes. –

On peut cependant les toucher

Autrement qu’avec des pincettes.
Parmi les fleurs que nous pillons,

Dans le bois hanté par les faunes,

De jolis vols de papillons

Font palpiter leurs ailes jaunes.
Non, monsieur, l’homme ne me plaît

Pas du tout, l’homme ni la femme,

Disait jadis le prince Hamlet,

Qui chantait fort bien cette gamme.
Le zéphyr turbulent dans l’air

Frissonne et se tourne en volute.

Laisse-moi, bon Schopenhauer,

Te régaler d’un air de flûte.
Par ce beau soir plein de fraîcheurs,

Sur le feuillage et dans les nues

Partout se glissent des blancheurs

Et de chastes figures nues.
Blanc cheval sans bride et sans mors,

Porte-moi vers les belles fêtes,

Car les Dieux ne seront pas morts

Tant qu’il restera des poëtes.
20 août 1889.

Théodore de Banville

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