Premier Soleil

Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Italie, Italie, ô terre où toutes choses

Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !

Paradis où l’on trouve avec des lauriers-roses

Des sorbets à la neige et des ballets divins !
Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !

Voici qu’on pense à toi, car voici venir mai,

Et nous ne verrons plus les redingotes longues

Où tout parfait dandy se tenait enfermé.
Sourire du printemps, je t’offre en holocauste

Les manchons, les albums et le pesant castor.

Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste

Volent, en agitant une poussière d’or !
Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle,

Et ce matin j’ai vu mademoiselle Ozy

Près des Panoramas déployer son ombrelle :

C’est que le triste hiver est bien mort, songez-y !
Voici dans le gazon les corolles ouvertes,

Le parfum de la sève embaumera les soirs,

Et devant les cafés, des rangs de tables vertes

Ont par enchantement poussé sur les trottoirs.
Adieu donc, nuits en flamme où le bal s’extasie !

Adieu, concerts, scotishs, glaces à l’ananas ;

Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie,

Sur la toile imprimée et sur le jaconas !
Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches,

Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus,

Les légers mantelets avec les robes blanches,

Et dans un mois d’ici vous sortirez bras nus !
Bientôt, sous les forêts qu’argentera la lune,

S’envolera gaîment la nouvelle chanson ;

Nous y verrons courir la rousse avec la brune,

Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson !
Bientôt tu t’enfuiras, ange Mélancolie,

Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts.

Débouchez de ce vin que j’aime à la folie,

Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers.
Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête

Ainsi qu’une épousée, et Paris est charmant.

Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte,

Parle ! nous t’écoutons avec ravissement.
C’est le temps où l’on mène une jeune maîtresse

Cueillir la violette avec ses petits doigts,

Et toute créature a le coeur plein d’ivresse,

Excepté les pervers et les marchands de bois !

Avril 1854.

Théodore de Banville

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