Sursum!
Dans ce Paris, cul-de-sac
Inventé par feu Balzac,
Le plus humble mammifère
Nous parle d’Influenza.
Une chanson de Rosa
Ferait bien mieux notre affaire.
Sur notre front, clair et beau,
Toujours brilla le flambeau
Qui dissipe les ténèbres.
Le savetier Gavarni
Fit notre soulier verni.
Donc, ne soyons pas funèbres!
Pour amuser nos destins
Nous avons les doux satins,
L’or tramé, la pourpre insigne.
C’est chez nous qu’Eve aux beaux yeux
S’en délecte et sait le mieux
Porter ces feuilles de vigne.
O toi, dont le petit nez
A des reflets satinés
Sous le zéphyr qui le fripe
Et qui baise tes appas,
Femme, ne te laisse pas
Étonner par une grippe!
L’homme, qui s’est nommé roi,
Garde le pouvoir; mais toi,
Sa dédaigneuse compagne,
Qui toujours le mets dedans,
Rafraîchis tes blanches dents
Sur la mousse du champagne.
Les théâtres, — je les plains, –
Ne sont pas tout à fait pleins.
A la meilleure des villes
Nous permettrons ce défaut;
Et nous saurons, s’il le faut,
Nous passer de vaudevilles.
Tentons-le, c’est un essai.
Et tout en plaignant Sarcey,
Dont le cher coeur en soupire,
Devant les rubis du feu,
Près d’une amante à l’oeil bleu,
On pourra lire Shakspere.
Le meilleur régal qu’on sert
N’est pas au café-concert.
Ce sont les douces diphthongues
Et les mots imitatifs
Que les amoureux furtifs
Disent sur les chaises longues.
Que Gluck et Cimarosa
Fassent taire Influenza!
Car c’est une douce chose
De chanter Amaryllis,
Tant que sur un sein de lys
Fleurit un bouton de rose.
Nous cherchions le trésor; mais
Nous savons tout, désormais.
La Science, triste sphinge,
En son babil indiscret
Nous a dit le grand secret:
Nous descendons tous du Singe.
Nos aïeux, contents de peu,
Avaient le bout du nez bleu.
Mais la meilleure sagesse
Que l’on doive éterniser,
Croyez-le, c’est de baiser
La bouche de la Singesse.
7 janvier 1890.