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Théodore de Banville
par Théodore de Banville
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Ah! pour nos prunelles ouvertes,

Le divin spectacle vermeil,

Ce triomphe de feuilles vertes

Éclaboussé par le soleil!
On voit sur les folles verdures

Les diamants que la pluie a.

Nous oublions nos peines dures:

Tout ressuscite. Alleluia.
Dans les palais et dans les bouges,

Les lèvres pleines de frissons

Disent: Voyez, nous sommes rouges!

Et les seins blancs: Nous fleurissons!
En chaque toilette qui passe

Faisant voler un gai jupon,

Se mire, traversant l’espace,

Le paradis clair du Japon.
Un seigneur qui jamais n’hésite,

Plein de folie et l’oeil riant,

Vient ici nous rendre visite,

Vêtu comme un roi d’Orient.
Le poëme effréné qu’il chante

Ne fut nullement expurgé;

Sa bouche de rose est méchante.

En un mot, c’est un insurgé.
Parfumé comme un flot d’essence,

Il n’a pas le moindre souci

De ce qu’on nomme: la décence,

Et fièrement il dit ceci:
Paris! les portes étant closes,

Un capricieux démon t’a

Montré Gilles marchand de — roses

Et vers toi le parfum monta.
Moi, je suis le marchand de joie!

En vain l’âpre hiver m’isola;

Il me plaît qu’ici tout rougeoie,

Comme un chapitre de Zola.
Je m’ébats dans la clarté rousse,

Caparaçonné de pompons,

Et devant moi la brise trousse,

Les demoiselles sur les ponts.
Toujours nous nous servirons d’elles

Pour admirer l’azur des cieux.

Puisque voici les hirondelles,

Poussons des cris séditieux.
Je vole partout, sans paresse.

La Chimère qui griffe aurait

L’heur de me plaire, et je caresse

Titania dans la forêt.
Dans la lumière pénétrante

Je vide mes brillants écrins.

De même qu’en mil huit cent trente

Les romantiques à tous crins,
Ayant sur mon front une raie,

Je porte des cheveux flottants

Comme ceux de Lapommeraye. –

Car je suis le nommé Printems!
30 avril 1889.

Théodore de Banville

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