Après le feuilleton
Mes colonnes sont alignées
Au portique du feuilleton ;
Elles supportent résignées
Du journal le pesant fronton.
Jusqu’à lundi je suis mon maître.
Au diable chefs-d’oeuvre mort-nés !
Pour huit jours je puis me permettre
De vous fermer la porte au nez.
Les ficelles des mélodrames
N’ont plus le droit de se glisser
Parmi les fils soyeux des trames
Que mon caprice aime à tisser.
Voix de l’âme et de la nature,
J’écouterai vos purs sanglots,
Sans que les couplets de facture
M’étourdissent de leurs grelots.
Et portant, dans mon verre à côtes,
La santé du temps disparu,
Avec mes vieux rêves pour hôtes
Je boirai le vin de mon cru :
Le vin de ma propre pensée,
Vierge de toute autre liqueur,
Et que, par la vie écrasée,
Répand la grappe de mon coeur !