Les Empaillés
Non qu’éprouve l’idée du vice
À l’averse d’ennui qui mord,
L’écluse sèche a la malice
D’empailler les oiseaux retords.
Ainsi noyés, et l’œil luisant
– Verre ou larmes, l’on ne sait trop ‒,
Ils n’ont de l’éclat séduisant
Qu’à peine un suc sous les haros.
D’indomptables, grands volatiles
Croulent sous l’attrait des poussières ;
Leurs belles ailes immobiles
Ont des garrots comme brassières.
Quand au soir, sous le jeu des ombres,
Leur bec muet s’entrouvre et sonne ;
Ignorant tout : leur nom, leur nombre,
Ne murmurant que des consonnes,
Nous pouvons quelquefois entendre
‒ Du moins le disait-on jadis ‒
Un chant étrange, et voir s’étendre
Encore une aile sur l’abysse !
Thibault Desbordes