Après la pluie

Tristan Corbière
par Tristan Corbière
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J’aime la petite pluie
Qui s’essuie
D’un torchon de bleu troué !
J’aime l’amour et la brise,
Quand ça frise…
Et pas quand c’est secoué.

– Comme un parapluie en flèches,
Tu te sèches,
Ô grand soleil ! grand ouvert…
À bientôt l’ombrelle verte
Grand’ ouverte !
Du printemps – été d’hiver. –

La passion c’est l’averse
Qui traverse !
Mais la femme n’est qu’un grain :
Grain de beauté, de folie
Ou de pluie…
Grain d’orage – ou de serein. –

Dans un clair rayon de boue,
Fait la roue,
La roue à grand appareil,
– Plume et queue – une Cocotte
Qui barbote ;
Vrai déjeuner de soleil !

– « Anne ! ou qui que tu sois, chère…
Ou pas chère,
Dont on fait, à l’oeil, les yeux…
Hum… Zoé ! Nadjejda ! Jane !
Vois : je flâne,
Doublé d’or comme les cieux !

« English spoken ? – Espagnole ?…
Batignolle ?…
Arbore le pavillon
Qui couvre ta marchandise,
Ô marquise
D’Amaëgui !… Frétillon !…

« Nom de singe ou nom d’Archange ?
Ou mélange ?…
Petit nom à huit ressorts ?
Nom qui ronfle, ou nom qui chante ?
Nom d’amante ?…
Ou nom à coucher dehors ?…

« Veux-tu, d’une amour fidelle,
Éternelle !
Nous adorer pour ce soir ?…
Pour tes deux petites bottes
Que tu crottes,
Prends mon coeur et le trottoir !

« N’es-tu pas doña Sabine ?
Carabine ?…
Dis : veux-tu le paradis
De l’Odéon ? – traversée
Insensée !…
On emporte des radis. » –

C’est alors que se dégaine
La rengaine :
– Vous vous trompez… Quel émoi !…
Laissez-moi… je suis honnête…
– Pas si bête !
– Pour qui me prends-tu ? – Pour moi !…

« …Prendrais-tu pas quelque chose
Qu’on arrose
Avec n’importe quoi… du
Jus de perles dans des coupes
D’or ?… Tu coupes !…
Mais moi ? Mina, me prends-tu ?

– Pourquoi pas : ça va sans dire !
– Ô sourire !…
Moi, par-dessus le marché !…
Hermosa, tu m’as l’air franche
De la hanche !
Un cuistre en serait fâché !

– Mais je me nomme Aloïse…
– Héloïse !
Veux-tu, pour l’amour de l’art,
– Abeilard avant la lettre –
Me permettre
D’être un peu ton Abeilard ? »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et, comme un grain blanc qui crève,
Le doux rêve
S’est couché là, sans point noir…
Donne à ma lèvre apaisée,
« La rosée
D’un baiser-levant – Bonsoir –

« C’est le chant de l’alouette,
Juliette !
Et c’est le chant du dindon….
Je te fais, comme l’aurore
Qui te dore,
Un rond d’or sur l’édredon. »

Tristan Corbière

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