I. M. Anastasie Retzuch,
Duchesse de
Waydberg
Tu dors dans le caveau de ta famille, à
Syra,
En robe de bal et souliers de satin blanc à boucles d’or,
Avec l’anneau des
Ducs de
Waydberg au doigt,
A vec tes bracelets énormes à tes bras fermes
Où les veines apparaissent toujours d’azur,
Gorgées des
Drogues de l’embaumement :
O
Tassoula, où sont tes grands éclats de rire,
Ta lèvre au retroussis hargneux et souriant,
Les mots que tu disais avec ces lèvres lourdes,
Et la grâce infinie de ton corps souple et dur?
Pourtant, je ne m’attendris pas souvent sur ton compte ;
Tu as été pour moi trop cruellement parisienne,
C’est-à-dire sans âme, ni cœur, ni sens,
Ne songeant qu’au « pognon » et à « la rigolade »,
O flèche dans la plaie d’un cœur d’écrivain malade!
Hélas, je n’ai pas encore rencontré de femme
(Cela m’est égal, peut-être au fond)
Des femmes, comme en eurent les poètes allemands et italiens,
Des femmes « pour les comprendre ».
J’ai été, pourtant, un homme de génie assez tendre!
Je suis resté tout seul et sans inspiratrice.
Comme un bon poète français que je m’efforce d’être.
Comme tous les poètes français, ironique, — et cocu.
Wolfgang, il était heureux, ce bougre-là !
L’amour des peuples, s’étendait devant ses pas
Comme le manteau d’un étudiant sous les pieds d’une jeune
fille,
Tandis qu’elle traverse la place en baissant les yeux, —
Ah! pauvre
Monsieur
Barnabooth du
N. de
D. —/
El pourtant, ma petite morte,
Tassoula!
J’irai, quelque jour, quand j’aurai l’âme à ça,
Pieusement te regarder dormir, à
Syra.
Car, si tu n’as pas levé vers moi des yeux pleins de pensée
Ou pleins de rêves,
(Je n’en vaux peut-être pas la peine)
T’avais du chic, tout de même !
Valery Larbaud