Hymne à la mort
Pourquoi, vous qui rêvez d’unions éternelles,
Maudissezvous la mort ?
Estce bien moi qui romps des âmes fraternelles
L’indissoluble accord ?
N’estce donc pas la vie aux querelles jalouses,
Aux caprices moqueurs,
Qui vient, comme la feuille à travers ces pelouses,
Éparpiller vos coeurs ?
C’est sa main qui disjoint vos plus chères entrailles,
Vos âmes en lambeaux,
Et qui dresse entre vous d’aussi froides murailles
Que celles des tombeaux.
Moi, je vous réunis ; je vais, liant ma gerbe,
Aux champs les plus lointains ;
Et des coeurs divisés, de l’humble et du superbe,
Je confonds les destins.
C’est moi qui fais tomber les plus fortes barrières,
Qui brise tous les fers ;
J’ouvre un monde plus vaste aux vertus prisonnières
Dans l’étroit univers.
Chaque âme dans mon sein touche à toutes les âmes ;
Des bouts de firmament.
J’assemble et je confonds les plus diverses flammes
Dans mon embrasement.
L’amour est, sous ma loi, pur de la jalousie
Qui l’empoisonne ailleurs :
Il peut, sans rien ôter à l’idole choisie,
Se donner à plusieurs.
L’illusion si douce, icibas, t’est ravie ;
Tu vois partout le mal.
La mort conservera, mieux que n’a fait la vie,
Ton rêve d’idéal.
Viens, ô coeur fatigué, qui me craignis naguère,
Vois si je te trompais !
Reposetoi ! La vie est l’éternelle guerre ;
Et moi, je suis la paix.
Symphonies et poèmes