À un homme fini

Victor Hugo
par Victor Hugo
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Tu savais bien qu’un jour il faudrait choir enfin,
Mais tu n’imaginais ni Séjan, ni Rufin.
Tu te croyais de ceux que la haine publique
Frappe furtivement d’un coup de foudre oblique ;
Tu t’étais figuré qu’on te renverserait
Sans te faire de mal, doucement, en secret,
Avec précaution, sans bruit, à la nuit close,
Et priant un ami de te dire la chose,
Ainsi qu’on pose à terre un vase précieux ;
Tu t’étais fait d’avance, au loin, sous de beaux cieux,
Dans ton palais, plus fier que la villa Farnèse,
Un lit voluptueux pour tomber à ton aise.
Point. C’est en plein midi que le peuple a tonné.
L’horizon était bleu, l’éclair l’a sillonné.
Le tonnerre, au grand jour, au milieu de la foule,
Est tombé sur ton front comme un plafond qui croule,
Et ceux qui t’ont vu mettre en poudre en un moment
Se sont épouvantés de cet écrasement.
Et les sages ont dit, te regardant par terre,
Que les temps sont mauvais, que le pouvoir s’altère
Quand un gueux, un gredin, un faquin, un maraud,
Fait pour ramper si bas, peut tomber de si haut.

Le 7 août 1849.

Victor Hugo

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