Jeanne chante ; elle se penche

Victor Hugo
par Victor Hugo
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Jeanne chante ; elle se penche
Et s’envole ; elle me plaît ;
Et, comme de branche en branche,
Va de couplet en couplet.

De quoi donc me parlaitelle ?
Avec sa fleur au corset,
Et l’aube dans sa prunelle,
Qu’estce donc qu’elle disait ?

Parlaitelle de la gloire,
Des camps, du ciel, du drapeau,
Ou de ce qu’il faut de moire
Au bavolet d’un chapeau ?

Son intention futelle
De troubler l’esprit voilé
Que Dieu dans ma chair mortelle
Et frémissante a mêlé ?

Je ne sais. J’écoute encore.
Etaitce psaume ou chanson ?
Les fauvettes de l’aurore
Donnent le même frisson.

J’étais comme en une fête ;
J’essayais un vague essor ;
J’eusse voulu sur ma tête
Mettre une couronne d’or,

Et voir sa beauté sans voiles,
Et joindre à mes jours ses jours,
Et prendre au ciel les étoiles,
Et qu’on vint à mon secours !

J’étais ivre d’une femme ;
Mal charmant qui fait mourir.
Hélas ! je me sentais l’âme
Touchée et prête à s’ouvrir ;

Car pour qu’un cerveau se fêle
Et s’échappe en songes vains,
Il suffit du bout de l’aile
D’un de ces oiseaux divins.

Les chansons des rues et des bois

Victor Hugo

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