Une femme m’a dit ceci : – J’ai pris la fuite

Victor Hugo
par Victor Hugo
0 vues
0.0

Une femme m’a dit ceci : J’ai pris la fuite.
Ma fille que j’avais au sein, toute petite,
Criait, et j’avais peur qu’on n’entendît sa voix.
Figurezvous, c’était un enfant de deux mois ;
Elle n’avait pas plus de force qu’une mouche.
Mes baisers essayaient de lui fermer la bouche,
Elle criait toujours ; hélas ! elle râlait.
Elle voulait téter, je n’avais plus de lait.
Toute une nuit s’était de la sorte écoulée.
Je me cachais derrière une porte d’allée,
Je pleurais, je voyais les chassepots briller.
On cherchait mon mari qu’on voulait fusiller.
Tout à coup, le matin, sous cette horrible porte,
L’enfant ne cria plus. Monsieur, elle était morte.
Je la touchai ; monsieur, elle était froide. Alors,
Cela m’était égal qu’on me tuât ; dehors,
Au hasard, j’emportai ma fille, j’étais folle,
J’ai couru, des passants m’adressaient la parole,
Mais je me suis enfuie, et, je ne sais plus où,
J’ai creusé de mes mains dans la campagne un trou,
Au pied d’un arbre, au coin d’un enclos solitaire ;
Et j’ai couché mon ange endormi dans la terre ;
L’enfant qu’on allaita, c’est dur de l’enterrer.

Et le père était là qui se mit à pleurer.

L’année terrible

Victor Hugo

Qu’en pensez-vous ?

Partagez votre ressenti pour Victor Hugo

Noter cette création
1 Étoile2 Étoiles3 Étoiles4 Étoiles5 Étoiles Aucune note
Commenter

Rejoignez notre cercle de poètes, où chaque mot compte, comme dans les vers de Mallarmé.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Nouveau sur LaPoesie.org ?

Première fois sur LaPoesie.org ?


Rejoignez le plus grand groupe d’écriture de poésie en ligne, améliorez votre art, créez une base de fans et découvrez la meilleure poésie de notre génération.