Voyons, d’où vient le verbe ? Et d’où viennent les langues ?
Voyons, d’où vient le verbe ? Et d’où viennent les langues ?
De qui tienstu les mots dont tu fais tes harangues ?
Écriture, Alphabet, d’où tout cela vientil ?
Réponds.
Platon voit l’I sortir de l’air subtil ;
Messène emprunte l’M aux boucliers du Mède ;
La grue offre en volant l’Y à Palamède ;
Entre les dents du chien Perse voit grincer l’R ;
Le Z à Prométhée apparaît dans l’éclair ;
L’O, c’est l’éternité, serpent qui mord sa queue ;
L’S et l’F et le G sont dans la voûte bleue,
Des nuages confus gestes aériens ;
Querelle à ce sujet chez les grammairiens :
Le D, c’est le triangle où Dieu pour Job se lève ;
Le T, croix sombre, effare Ézéchiel en rêve ;
Soit ; croistu le problème éclairci maintenant ?
Triptolème, atil fait tomber, en moissonnant,
Les mots avec les blés au tranchant de sa serpe ?
Le grec estil éclos sur les lèvres d’Euterpe ?
L’hébreu vientil d’Adam ? le celte d’Irmensul ?
Dispute, si tu veux ! Le certain, c’est que nul
Ne connaît le maçon qui posa sur le vide,
Dans la direction de l’idéal splendide,
Les lettres de l’antique alphabet, ces degrés
Par où l’esprit humain monte aux sommets sacrés,
Ces vingtcinq marches d’or de l’escalier Pensée.
Eh bien, juge à présent. Pauvre argile insensée,
Homme, ombre, tu n’as point ton explication ;
L’homme pour l’oeil humain n’est qu’une vision ;
Quand tu veux remonter de ta langue à ton âme,
Savoir comment ce bruit se lie à cette gamme,
Néant. Ton propre fil en toimême est rompu.
En toi, dans ton cerveau, tu n’as pas encor pu
Ouvrir ta propre énigme et ta propre fenêtre,
Tu ne te connais pas, et tu veux le connaître,
LUI ! Voyant sans regard, triste magicien,
Tu ne sais pas ton verbe et veux savoir le sien !
Recueil : Dernière gerbe