À Mademoiselle de Guise
(Sur son mariage avec M. le duc de Richelieu.)
Un prêtre, un oui, trois mots latins
A jamais fixent vos destins ;
Et le célébrant d’un village,
Dans la chapelle de Montjeu,
Très chrétiennement vous engage
À coucher avec Richelieu ;
Avec Richelieu, ce volage,
Qui va jurer par ce saint nœud
D’être toujours fidèle et sage.
Nous nous en défions un peu ;
Et vos grands yeux noirs, pleins de feu,
Nous rassurent bien davantage
Que les serments qu’il fait à Dieu.
Mais vous, madame la duchesse,
Quand vous reviendrez à Paris,
Songez-vous combien de maris
Viendront se plaindre à vôtre altesse ?
Ces nombreux cocus qu’il a fait,
Ont mis en vous leur espérance :
Ils diront, voyant vos attraits,
Dieux ! quel plaisir que la vengeance !
Vous sentez bien qu’ils ont raison,
Et qu’il faut punir le coupable ;
L’heureuse loi du talion
Est des lois la plus équitable.
Quoi votre cœur n’est point rendu !
Votre sévérité me gronde !
Ah ! quelle espèce de vertu
Qui fait enrager tout le monde !
Faut-il donc que de vos appas
Richelieu soit l’unique maître ?
Est-il dit qu’il ne sera pas
Ce qu’il a tant mérité d’être ?
Soyez donc sage, s’il le faut,
Que ce soit-là votre chimère ;
Avec tous les talents de plaire
II faut bien avoir un défaut.
Dans cet emploi noble et pénible
De garder ce qu’on nomme honneur,
Je vous souhaite un vrai bonheur ;
Mais voilà la chose impossible.