À Uranie
1734.
Je vous adore, ô ma chère Uranie !
Pourquoi si tard m’avez-vous enflammé ?
Qu’ai-je donc fait des beaux jours de ma vie ?
Ils sont perdus ; je n’avais point aimé.
J’avais cherché dans l’erreur du bel âge
Ce dieu d’amour, ce dieu de mes désirs ;
Je n’en trouvai qu’une trompeuse image
Je n’embrassai que l’ombre des plaisirs.
Non, les baisers des plus tendres maîtresses ;
Non, ces moments comptés par cent caresses,
Moments si doux et si voluptueux,
Ne valent pas un regard de tes yeux.
Je n’ai vécu que du jour où ton âme
M’a pénétré de sa divine flamme ;
Que de ce jour où, livré tout à toi,
Le monde entier a disparu pour moi.
Ah ! quel bonheur de te voir, de t’entendre !
Que ton esprit a de force et d’appas !
Dieux ! que ton cœur est adorable et tendre !
Et quels plaisirs je goûte dans tes bras !
Trop fortuné, j’aime ce que j’admire.
Du haut du ciel, du haut de ton empire,
Vers ton amant tu descends chaque jour,
Pour l’enivrer de bonheur et d’amour.
Belle Uranie, autrefois la Sagesse
En son chemin rencontra le Plaisir ;
Elle lui plut ; il en osa jouir ;
De leurs amours naquit une déesse,
Qui de sa mère a le discernement,
Et de son père a le tendre enjouement.
Cette déesse, ô ciel ! qui peut-elle être
Vous, Uranie, idole de mon cœur,
Vous que les dieux pour la gloire ont fait naître,
Vous qui vivez pour faire mon bonheur.